Après ce premier trimestre 2024, quelles sont les perspectives sur le crédit ?
L'horizon du marché du crédit s'éclaircit en ce début d'année 2024. Le recul de l’inflation, scruté par les banques centrales depuis plus de deux ans, est désormais acquis et devrait inciter la BCE à réduire ses taux directeurs d’ici la fin de l’année. Cette perspective favorable devrait profiter au marché du crédit qui bénéficie déjà de fondamentaux solides en France.
De plus, les récentes réformes du PTZ et de l’assurance emprunteur pourraient contribuer à redynamiser la demande. Pour y voir plus clair sur ces sujets, Youdge vous propose de revenir sur les actualités récentes du secteur du crédit en France et de dresser quelques perspectives pour 2024.
L’environnement macroéconomique se stabilise en 2024
La situation macroéconomique s’améliore au premier trimestre 2024 après deux années marquées par une inflation galopante et un ralentissement économique. Dans ce contexte, les banques centrales pourraient se montrer plus accommodantes : le marché du crédit pourrait alors bénéficier de cette amélioration des conditions de financement.
Les banques centrales privilégient la stabilisation des taux
L’heure n’est pas encore à l’inflexion de la politique monétaire en Europe. Après avoir mené la remontée des taux la plus rapide de son histoire entre juillet 2022 et septembre 2023, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de maintenir ses principaux taux en ce début d’année.
L’institution estime qu’il est encore trop tôt pour assouplir les conditions de financement malgré la stabilisation progressive de la situation macroéconomique.
La BCE s’aligne ainsi sur les décisions prises par les autres grandes banques centrales mondiales, et en particulier celles de la Réserve fédérale américaine qui a également maintenu ses taux directeurs à un niveau inédit depuis la crise qui avait suivi l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000.
Cette politique monétaire restrictive continue de peser sur le marché du crédit car elle a naturellement conduit à une augmentation des taux d’intérêt pratiqués par les banques et par les organismes de crédit. En 2023, la production de crédits immobiliers a notamment enregistré un coup d’arrêt historique (-41%) selon la Fédération bancaire française (FBF), pour s’établir à 129 milliards d’euros.
Les crédits aux particuliers
En 2023, la production de crédits immobiliers a notamment enregistré un coup d’arrêt historique (-41%) selon la Fédération bancaire française (FBF), pour s’établir à 129 milliards d’euros. Pour autant, l’encours des crédits a continué à augmenter pour atteindre 1 209 milliards d’euros.
La durée moyenne des crédits à l’habitat a légèrement reculé depuis fin 2023 pour s’établir à 20,4 ans en février 2024. Malgré cette baisse récente, la durée moyenne se situe à des niveaux historiquement élevés et reflète l’augmentation du coût du logement en France.
Cependant, l’accès au crédit reste relativement favorable aux primo-accédants et aux ménages les moins favorisés. Ces conditions d’accès sont notamment facilitées par des dispositifs tels que les prêts à taux zéro, dont l’encours (43,1 milliards d’euros en 2023) est en augmentation continue depuis le début des années 2000.
Du côté des crédits à la consommation, l’encours total s’est établi à 205 milliards d’euros, en hausse de 1,9% sur un an.
Le ralentissement de l’inflation pourrait inciter la BCE à baisser ses taux
Les perspectives en ce début d’année sont néanmoins encourageantes. Principale cible de la BCE, l’inflation est en net recul dans la zone euro : elle est revenue à 2,4% sur un an au mois de mars, soit 0,2 point de moins qu’en février. Un niveau bien en-deçà du record à plus de 10% atteint en octobre 2022 et qui se rapproche surtout de l’objectif de 2% visé par la banque centrale.
Le reflux de l’inflation est également notable en France : elle est retombée à 2,3% en mars, contre 3% en février, grâce à l’accalmie sur les prix alimentaires et de l’énergie.
Dans ce contexte, les anticipations de baisse de taux se précisent et pourraient intervenir dès le mois de juin aux États-Unis. La BCE, qui suit traditionnellement les décisions de son homologue américaine avec quelques mois de retard, pourrait lui emboîter le pas si la stabilisation des prix se confirme en Europe.
Cette baisse des taux d'intérêt devrait stimuler le marché du crédit en réduisant le coût de l'emprunt pour les ménages et les entreprises.
L’horizon se dégage sur le marché du crédit
Le marché du crédit a mieux résisté en France que dans les autres pays européens malgré la hausse des taux d’intérêt et le fort ralentissement de la demande. La reprise pourrait être longue mais le secteur en France bénéficie de fondamentaux solides qui pourraient contribuer à redynamiser le marché.
La production de crédits ralentit en France mais résiste mieux qu’en Europe
Avec la forte augmentation des taux d’intérêt, les conditions d’octroi se sont drastiquement resserrées pour les crédits immobiliers et pour les crédits à la consommation. La production de crédits s’est limitée à 220 milliards d’euros en 2023, en baisse notable par rapport aux dernières années qui avaient été marquées par un contexte de taux extrêmement bas.
Pour autant, elle a bien résisté en comparaison avec les niveaux moyens enregistrés au cours de la dernière décennie. Le montant des crédits immobiliers accordés par les banques s’inscrit toujours à un niveau plus élevé que ceux enregistrés avant 2017.
De plus, la France se distingue par un niveau d’octroi bien supérieur à ce qui est observé chez nos principaux voisins européens. La production annuelle de crédits immobiliers atteint 5% du produit intérieur brut (PIB) en ce début d’année 2024, contre 4% en Espagne, 3% en Allemagne et 2% en Italie.
Chiffres clés
Les banques ont accordé 220 milliards d’euros de nouveaux crédits aux particuliers en 2023. +1,2% de taux de croissance annuel des crédits à l’économie à fin janvier 2024. 42,7% des ménages détiennent au moins un crédit en 2023.
Des perspectives d’amélioration en 2024
La tendance observée au cours des premiers mois de 2024 annonce une année sous de meilleurs auspices. Les taux d’emprunt ont enregistré une baisse pour la première fois depuis 2022 et sont redescendus en dessous du seuil symbolique des 4% : en février 2024, les taux moyens constatés pour un crédit sur 25 ans s’établissaient à 3,99%, contre 4,24% en décembre dernier.
En conséquence, la production de crédits est repartie à la hausse (+35,4% pour les crédits immobiliers en février par rapport à décembre 2023).
Certes, la reprise va être lente mais ce rebond reste encourageant, d’autant plus que le marché du crédit reste sain en France grâce à un système de financement de l’habitat fondé sur des crédits majoritairement à taux fixes ; une analyse des dossiers basée sur la capacité de remboursement de l’emprunteur ; des garanties telles que le cautionnement ou l’assurance emprunteur qui garantissent la sécurité de l’emprunteur.
La solvabilité des ménages est ainsi restée stable malgré le contexte économique difficile de ces dernières années. Selon la FBF, 86,0% des ménages jugeaient leurs charges de remboursement supportables en 2023.
Des réformes qui pourraient redynamiser le marché du crédit
Le marché du crédit a été marqué par des évolutions notables, notamment sur des dispositifs tels que le Prêt à Taux Zéro et l’assurance emprunteur. Ces réformes pourraient contribuer à stimuler la demande en 2024.
Réforme du Prêt à taux zéro : un coup de pouce pour le crédit immobilier ?
Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) a fait peau neuve. Le principal changement introduit par la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2024 concerne les plafonds de revenus qui ont été revalorisés pour la première fois depuis 2016, ce qui permettra à 6 millions de foyers supplémentaires de prétendre au PTZ.
Une nouvelle tranche de revenu a par ailleurs été créée pour tenir compte de la situation spécifique des zones les plus tendues. De plus, le montant maximum du PTZ a été porté à 100 000 euros (contre 80 000 euros auparavant).
La quotité du prêt, c'est-à-dire la part du coût total de l'opération qu'il peut financer, a également été revue à la hausse. Elle atteint désormais 50 % pour les foyers les plus modestes. En assouplissant les conditions d'accès au PTZ, le gouvernement espère dynamiser le marché du crédit immobilier.
En effet, le PTZ permet aux primo-accédants de financer une partie de leur achat sans avoir à payer d'intérêts. Ce dispositif peut les inciter à franchir le pas et à investir dans un projet immobilier.
La loi Lemoine réforme le marché de l’assurance emprunteur
Entrée en vigueur en 2022, la loi Lemoine a bouleversé le marché de l'assurance emprunteur. Cette réforme vise à renforcer la protection des emprunteurs et à stimuler la concurrence entre les assureurs. Les emprunteurs peuvent désormais résilier leur assurance emprunteur à tout moment, sans frais ni pénalité. Cette liberté permet de comparer les offres et de choisir le contrat le plus adapté à leurs besoins.
Autre changement important, les emprunteurs n'ont plus à remplir un questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros.
Cette mesure simplifie l'accès à l'assurance emprunteur pour les personnes souffrant de pathologies chroniques. S’il est encore trop tôt pour mesurer l'ensemble des effets de cette loi, les perspectives sont encourageantes.
A long terme, elle pourrait produire des effets positifs sur le marché du crédit immobilier en simplifiant les démarches et en baissant le coût du crédit pour les personnes souhaitant se lancer dans un projet immobilier.
Les innovations dans le secteur bancaire facilitent l’accès au crédit
Malgré le contexte économique difficile, le marché du crédit est en constante évolution. Innovations bancaires, fintechs, néobanques, plateformes de prêt peer-to-peer… ces nouveaux acteurs et services contribuent à faciliter l’accès au crédit du marché en proposant des solutions plus flexibles, plus accessibles et plus transparentes.
Les banques en ligne et les néobanques bousculent les codes du secteur bancaire en proposant une expérience client plus fluide et innovante. Elles se distinguent par leurs interfaces plus fluides, leur transparence et leur flexibilité. Sur le marché du crédit, elles proposent des offres de prêt instantanées, des processus de souscription simplifiés et des conditions parfois plus avantageuses que les banques traditionnelles.
Autre innovation émergente, les plateformes de prêt peer-to-peer (P2P) se développent. Elles permettent aux particuliers de se prêter de l'argent directement entre eux, sans passer par un intermédiaire bancaire. Ce système offre une alternative aux crédits traditionnels et permet aux emprunteurs d'obtenir des taux d'intérêt compétitifs et aux prêteurs de diversifier leurs investissements.
Ces plateformes sont souvent développées sur la blockchain et s’appuient sur la technologie des smart contracts pour sécuriser les transactions et fluidifier le processus. Elles restent donc réservées à un public d’initiés qui maîtrisent les outils numériques et disposent d’une bonne connaissance du monde de la finance.
Dans ce contexte, les banques traditionnelles, conscientes de la nécessité de s'adapter, innovent pour répondre aux attentes des clients.
Elles proposent des démarches en ligne simplifiées, des solutions de scoring automatisées et des offres de crédit personnalisées. L'intelligence artificielle et l'analyse de données permettent d'évaluer les risques plus rapidement et d'offrir des taux d'intérêt plus compétitifs.
Pour en savoir plus sur l'évolution des banques et néobanques en 2024, lisez aussi cet article : "Banque du futur : les banques en ligne et les néobanques en tête".
Conclusion
Le marché du crédit a connu un ralentissement en 2023. La France a néanmoins mieux résisté que ses voisins européens, démontrant la solidité et la résilience de son système financier.
Le mode de financement original du marché immobilier, fondé sur des taux à majoritairement fixes, a également permis au secteur de se maintenir plus solidement que dans d’autres pays européens.
Après deux années difficiles, une transition se dessine sur le marché du crédit au premier trimestre 2024. La stabilisation de l'environnement macroéconomique semble se confirmer grâce notamment au reflux de l’inflation.
La politique monétaire reste restrictive mais les principales banques centrales privilégient aujourd’hui une stabilisation des taux d'intérêt, avant un possible assouplissement des conditions monétaires à partir du deuxième semestre.
Les perspectives pour 2024 sont encourageantes, avec une reprise attendue de la demande de crédit. Cette reprise pourrait être soutenue par les réformes récentes, telles que celle du PTZ et la loi Lemoine, qui ont eu un impact positif sur les emprunteurs.
Le secteur du crédit est en pleine mutation, avec l'émergence de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs. L'intelligence artificielle, les fintechs et l'open banking contribuent à dynamiser le marché et à offrir des solutions plus flexibles et plus transparentes aux clients.
Publications de référence :
- Fédération bancaire française, 2024, « Le financement des particuliers. Logement, consommation : les projets des ménages financés par les banques », mars.
- L’Observatoire Crédit logement / CSA, 2024, « Le taux moyen repasse en dessous de 4% », février.
- Banque de France, 2024, « Crédits aux particuliers », février.
- Le Monde, 2024, La Banque centrale européenne en route vers une baisse des taux en juin