Le crédit pour une consommation plus verte
La transition écologique se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Alors que la conscience environnementale n’a jamais été aussi forte, le passage à la consommation responsable stagne. Les ménages français font face à un dilemme : concilier leurs aspirations écologiques et les contraintes de pouvoir d’achat. Dans ce contexte, quelles sont les solutions pour accélérer l’adoption de produits plus durables ?
Une prise de conscience qui ne se traduit plus dans les actes
Les chiffres du Baromètre GreenFlex – ADEME 2025[i] de la consommation responsable dressent un constat sans appel. Malgré une prise de conscience largement partagée sur la nécessité de changer nos modes de consommation, les engagements concrets, à travers notamment une consommation de produits plus responsables, reculent significativement.
Certes, pour huit Français sur dix, la crise climatique nous oblige à revoir nos modes de vie et de consommation, un chiffre stable depuis plusieurs années. Les deux tiers (67%) des personnes interrogées dans cette enquête établissent également un lien clair entre leurs choix de consommation et l’avenir de la planète. Pour autant, elles ne sont que 13% à se déclarer comme consommateurs très engagés, une proposition en baisse par rapport à 2024 (18%).
Cette tension se manifeste dans les comportements d’achat. Si plus de 85% des Français se posent la question du caractère indispensable du produit avant de l’acheter, et que deux français sur trois s’intéressent aux modèles de consommation alternatifs, les actes ne suivent pas toujours. La nouveauté continue de pousser à l’achat plus d’un quart des Français, et en cas d’hésitation, les promotions et les prix attractifs restent le premier déclencheur de l’achat, devançant largement les considérations environnementales.
Cette contradiction apparente révèle en réalité un écart grandissant entre convictions et capacités d’action.
Le pouvoir d’achat, principal obstacle à la transition
Une autre étude, réalisée en septembre 2024 par Discurv pour la néobanque Hélios[ii], révèle que 78% des Français identifient le prix comme le principal frein à une adoption plus large de comportements de consommation éthique. Ce chiffre, particulièrement élevé, témoigne d’une réalité économique qui pèse lourdement sur les arbitrages des ménages.
Cette perception n’est pas sans fondement : les produits durables, qu’il s’agisse d’électroménager économe en énergie, de véhicules électriques ou de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique, affichent généralement un prix d’achat supérieur à leurs équivalents conventionnels.
Cette barrière financière crée une situation paradoxale : alors que 68% des Français estiment que la consommation responsable est leur meilleur outil pour agir à leur échelle contre le réchauffement climatique, seuls 7% déclarent ne rencontrer aucun frein financier pour adopter ce mode de consommation responsable.
Cette situation est aggravée par un sentiment de manque d’accompagnement. Seuls 45% des français considèrent que les informations diffusées par les médias et les marques sont suffisantes pour faire les bons choix en termes de consommation responsable. Plus révélateur encore, 67% des Français engagés en faveur de la consommation responsable estiment ne pas trouver suffisamment de produits durables en magasin ou en supermarché.
Des secteurs stratégiques confrontés au ralentissement
Cette tension entre aspirations et contraintes se traduit concrètement dans plusieurs secteurs clés. Le marché des véhicules électriques, considéré comme un pilier de la décarbonation des transports, illustre parfaitement ce phénomène.
Après plusieurs années de croissance soutenue, le marché français des voitures électriques montre des signes d’essoufflement. Selon les chiffres de la Plateforme automobile[iii], une organisation professionnelle qui rassemble les constructeurs automobiles français et leurs sous-traitants, les immatriculations de véhicules électriques n’ont progressé que de 1% en septembre 2025 par rapport à l’année dernière, alors même que 2024 avait déjà été une année difficile en termes de ventes sur ce segment.
Ce ralentissement intervient malgré les différentes aides publiques mises en place et l’élargissement constant de l’offre des constructeurs. Il s’explique principalement par l’écart de prix persistant entre véhicules électriques et thermiques, aggravé par le contexte inflationniste qui pousse les ménages à reporter leurs projets d'achats ou à se tourner vers des solutions moins coûteuses à court terme.
Le crédit à la consommation : un levier sous-exploité de la transition
Face à ce constat, il devient urgent de repenser les mécanismes permettant de concilier transition énergétique et pouvoir d’achat. Le recours au crédit peut représenter dans certains cas une solution pertinente pour surmonter l’obstacle du coût initial des produits responsables.

Lisser l’investissement dans le temps
L’un des principaux freins à l’achat de produits écologiques réside dans leur coût d’acquisition élevé. Un véhicule électrique, un système de chauffage performant ou un ensemble d’électroménagers classe A peuvent représenter un investissement de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros. Pour de nombreux ménages, mobiliser une telle somme en une seule fois s’avère impossible ou imprudent, même si les économies liées à l’utilisation de ces produits justifient l’investissement sur le long terme.
Le crédit à la consommation permet d’étaler les dépenses importantes sur une durée adaptée aux capacités de remboursement des ménages*. En transformant un investissement ponctuel en mensualités maîtrisées, il rend accessible des équipements qui seraient autrement inabordables.
Valoriser les économies futures
Cette approche prend tout son sens lorsqu’on considère que les économies d’énergie générées par ces équipements peuvent compenser, au moins partiellement, le coût des mensualités. Car la particularité des produits responsables réside dans leur capacité à générer des économies d’usage substantielles. Un réfrigérateur de classe A peut consommer jusqu’à 50% d’électricité en moins qu’un modèle de classe C. Un véhicule électrique affiche un coût au kilomètre inférieur de 60 à 70% par rapport à un véhicule thermique. Ces économies, réelles et mesurables, constituent un flux financier qui peut être intégré dans l’équation du crédit.
Certains établissements financiers commencent d’ailleurs à développer des offres de crédit spécifiquement conçues pour les achats responsables, avec des taux préférentiels qui reflètent la valeur sociale et environnementale de ces investissements.
Accélérer le renouvellement du parc existant
Un des enjeux majeurs de la transition énergétique réside dans le renouvellement accéléré du parc d’équipements vieillissants et énergivores. En France, des millions de véhicules polluants, de chaudières obsolètes et d’appareils électroménagers peu performants continuent d’être utilisés faute de moyens pour les remplacer.
Le crédit à la consommation peut jouer un rôle d’accélérateur en permettant aux ménages de ne pas attendre la fin de vie complète de leurs équipements pour investir dans des alternatives plus efficaces. Cette anticipation du renouvellement présente un double avantage : elle permet des économies d’énergie immédiates et évite la surconsommation liée à des équipements en fin de vie particulièrement gourmands.
Les pouvoirs publics ont d’ailleurs commencé à reconnaître le potentiel de cette approche. Le dispositif du leasing social pour les voitures électriques, reconduit en 2025, constitue un exemple emblématique. Ce programme permet aux ménages les plus modestes de bénéficier d’une aide de l’Etat en louant une voiture électrique avec possibilité de l’acheter à la fin du contrat. Environ 50 000 véhicules électriques neufs devraient être proposés en 2025 dans le cadre de ce dispositif, qui vise à encourager l’adoption des véhicules 100% électriques dans une logique de transition écologique.
Cette initiative démontre que le recours à des formules de financement adaptées peut considérablement accélérer l’accès à des technologies plus propres pour des publics qui en seraient autrement exclus.
Des mécanismes de soutien à renforcer
Pour que le crédit à la consommation joue pleinement son rôle dans l’accélération de la transition énergétique, plusieurs évolutions sont nécessaires.

Une information transparente sur le coût total de possession
Pour que les consommateurs puissent faire des choix éclairés, il est essentiel de développer des outils permettant de comparer le coût total de possession des différentes options qui s’offrent à eux. Cela implique de prendre en compte non seulement le prix d’achat et le coût du crédit, mais aussi les économies d’usage sur la durée de vie du produit.
Certains acteurs du crédit commencent à intégrer ces éléments dans leurs simulateurs, permettant aux emprunteurs de visualiser le bilan financier complet de leur investissement. Cette transparence est cruciale pour dépasser la simple comparaison des prix d’achat et démontrer la pertinence économique des solutions responsables.
Une opportunité pour les acteurs financiers
Au-delà de son rôle sociétal, le financement de la consommation responsable représente également une opportunité stratégique pour les établissements de crédit. Dans un contexte où la finance durable prend une importance croissante, développer une offre de crédit vert dédiée aux achats responsables permet de répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux.
Ces produits financiers présentent en outre des caractéristiques de risque favorables. Les emprunteurs qui investissent dans des équipements économes en énergie bénéficient de flux de trésorerie améliorés grâce aux économies réalisées, ce qui renforce leur capacité de remboursement. De plus, ces crédits financent des biens tangibles et facilement identifiables, ce qui simplifie leur gestion et leur suivi.
Concilier crédit et transition écologique : En bref
La consommation responsable se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. La prise de conscience environnementale des Français est réelle, mais elle se heurte à des contraintes économiques qui empêchent sa traduction concrète dans les actes d’achat.
Plus d’un Français sur deux considère que consommer de façon responsable reste trop coûteux, et 78% identifient le prix comme le principal frein à l’adoption de comportements de consommation éthique. Cette situation se traduit par un ralentissement préoccupant de l’adoption de produits indispensables à la transition écologique. A titre d’exemple, le marché des véhicules électriques stagne depuis deux ans malgré les aides publiques qui ont été mises en place.
Face à ce constat, le crédit à la consommation apparaît comme un levier sous-exploité pour accélérer la transition énergétique. En permettant de lisser l’investissement dans le temps et de valoriser les économies futures, il rend accessibles des équipements responsables qui seraient autrement hors de portée de nombreux ménages. Correctement orienté et soutenu, le crédit conso peut être l’un des outils permettant de transformer l’aspiration collective à la transition écologique en réalité concrète.
Principales références
[i] ADEME, 2025, « Consommation : la dynamique des achats responsables s’essouffle », juillet.
[ii] Hélios, 2024, « Pouvoir d’achat et consommation éthique : les Français face à l’obstacle du prix », octobre.
[iii] Plateforme automobile, chiffres 2024-2025
*Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager







